L’histoire de l’abbaye de Landévennec émerge de l’incertitude au début du IXe siècle en pleine période de renaissance carolingienne. En septembre de l’année 818, Louis le Pieux, fils de Charlemagne, mène campagne contre le chef breton Morvan en bordure de l’Ellé, en forêt de Priziac (actuel Morbihan), et à cette occasion il convoque l’abbé de Landévennec pour l’interroger sur la règle de vie des moines de son monastère. L’abbé lui ayant répondu qu’ils suivaient les usages scots, l’empereur lui demande alors d’adopter la Règle de saint Benoît en usage partout ailleurs dans l’empire depuis que Benoît d’Aniane, son conseiller, a préparé et mis en œuvre cette réforme religieuse (817). Le Cartulaire de Landévennec conserve une copie de la lettre que Louis le Pieux envoie alors aux évêques de Bretagne pour les avertir de cette entrevue et de sa décision. Ce souci de communication suggère que la réforme imposée à Landévennec devait par conséquent s’appliquer à tous les monastères de Bretagne.
Un demi-siècle plus tard, le monastère manifeste, par sa vie culturelle, la fécondité de ce passage à la Règle de saint Benoît. En témoignent les évangéliaires issus de son scriptorium et la littérature produite sur place (Vie de saint Guénolé, Vie de saint Pol Aurélien, homélies, hymnes). En témoigne aussi, sur le plan architectural, le monastère carolingien que les fouilles archéologiques des dernières décennies ont permis de retrouver dans un état de conservation exceptionnel.
Une autre date a laissé des traces indélébiles dans la pierre de l’antique monastère : 913. Année qui garde le souvenir du pillage de l’abbaye par les Vikings, et de l’exil des moines. Ceux-ci ont juste le temps de fuir, entraînant avec eux les laïcs qui leur sont attachés, et emportant reliques et manuscrits. Ils arrivent à Montreuil-sur-mer. Là, Jean de Landévennec, l’abbé de ces années d’exil, multiplie les négociations afin de hâter le retour à la paix et le départ d’Armorique des Vikings. Cela se réalise en 936 quand reviennent les Bretons partis outre-Manche et qu’Alain Barbetorte s’installe comme duc de Bretagne. Ce dernier dira de l’abbé Jean de Landévennec : « A plusieurs reprises et pour notre plus grande joie il a été le messager de l’indispensable paix de part et d’autre de la mer ».
Les moines reviennent vers 940 et au début du XIe siècle est construite l’abbaye de style roman. Le monastère se trouve alors à la tête d’une seigneurie que les donations lui ont peu à peu constituée. Les siècles suivants sont moins documentés. On sait seulement que l’abbaye n’échappe pas aux vicissitudes du temps ni aux pillages qui se perpétuent jusqu’à l’époque des guerres de la Ligue.
Au XVIe siècle sera instauré, comme ailleurs en France, le régime de la commende par lequel le roi nomme les Abbés, qu’on appelle alors « commendataires ». Tous n’auront pas le même souci du bien qui leur est confié, certains n’étant d’ailleurs pas moines ni même clercs.
En 1636, l’abbaye entre dans la Congrégation bénédictine de Saint-Maur. Ce sera pour elle une époque de restauration matérielle et spirituelle. Dom Noël Mars y écrit la première histoire de l’abbaye et, au début du siècle suivant, dom Louis Le Pelletier y rédige son Dictionnaire de la langue bretonne. Puis, c’est à nouveau le déclin et, en 1789, la fermeture du monastère bientôt vendu comme bien national.
Il faudra attendre presque un siècle pour qu’à nouveau une communauté monastique masculine s’installe en Finistère. Il s’agit de la fondation en 1878 par l’abbaye de la Pierre-qui-Vire du monastère de Kerbénéat près de Landerneau. Cette communauté monastique aux débuts prometteurs sera décimée par un exil de quinze années au pays de Galles au moment des lois d’expulsion (1903). Si bien que, lorsque la vie monastique reprend à Kerbénéat en 1922, il ne reste plus que quelques moines qui toutefois, soutenus par la congrégation à laquelle ils appartiennent, réussissent à reprendre le flambeau jusqu’à ce qu’éclate la Seconde Guerre mondiale ; celle-ci voit le monastère occupé par les Allemands tandis que plusieurs moines sont prisonniers en Allemagne jusqu’à leur libération en 1945.
Mais au sortir de la guerre, à Kerbénéat, les vocations affluent et le rêve un temps caressé dans l’entre-deux-guerres de relever Landévennec peut prendre forme. En Août 1950, la décision est prise de racheter Landévennec, en 1953 est posée la première pierre du futur monastère et en 1958, il est inauguré en présence de tous les évêques de Bretagne et d’une foule nombreuse, heureuse de voir revivre le vieux Lan de saint Guénolé.
L’histoire ne s’arrête pas là car avec l’arrivée du Concile de Vatican II (1962-1965), une nouvelle page s’ouvre pour l’Eglise invitée à se renouveler. Landévennec, comme de nombreux monastères, prend sa part de ce courant de rénovation. Cela se traduit, entre autres, par l’adoption du français comme langue habituelle des célébrations liturgiques et l’ouverture de son hôtellerie à tous ceux et celles qui souhaitent s’associer à la prière des moines. C’est aussi dans l’esprit du Concile qu’en 1981 la communauté répond à l’appel venu d’Haïti d’y enraciner la vie monastique. Le tout nouveau monastère implanté sur une colline surplombant la mer des Caraïbes reçoit le nom de « Morne saint Benoît ».
Quelques ouvrages de références :
* M. SIMON, L’abbaye de Landévennec de saint Guénolé à nos jours, éd. Ouest-France, 1985.
* A. CHEDEVILLE et H. GUILLOTEL, La Bretagne des saints et des rois, Ve-Xe siècles, éd. Ouest-France, 1984.
* M. SIMON (Dir.), Landévennec et le monachisme breton dans le Haut Moyen Age, Actes du Colloque du 15e centenaire de l’abbaye de Landévennec 25-26-27 Avril 1985, 1986.
* Avel Gornog, N° 19, Juillet 2011, Dossier : Landévennec.
* S. LEBECQ (Dir.), Cartulaire de Saint-Guénolé de Landévennec, coll. Sources Médiévales de l’Histoire de Bretagne N° 6, éd. P.U.R./S.H.A.B. , Rennes, 2015.