Il n’y a pas plus belle manière de nous faire saisir l’inscription de Jésus, fils de Dieu, dans l’histoire humaine qu’en retraçant son arbre généalogique comme le fait saint Matthieu en ouverture de son évangile. A l’heure où les liens de filiation et la notion de transmission sont tout sauf évident, peut-être y-a-t-il là quelque chose à entendre…
Du moins comprenons-nous, en lisant la longue liste des ancêtres de Jésus rapportée par l’évangéliste, que la bénédiction de Dieu se manifeste dans l’histoire de son peuple, tout d’abord et tout simplement pourrait-on dire, par la transmission de la vie de génération en génération : « Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda, etc… ». Même dans notre société sécularisée où la technique étend son emprise dans tous les domaines de l’existence et où l’on veut tout maîtriser, le don de la vie, la venue au monde d’un enfant garde toute sa fraîcheur, toute sa part d’inconnue, de non maîtrise, de mystère en réalité et c’est justement cela qui en fait la beauté et qui procure aux parents qui vivent cet accueille tant de joie et d’émerveillement. Nombre d’entre eux font alors une véritable expérience spirituelle, percevant bien, à la joie qui les habite, que cette vie nouvelle qui leur est confiée est un don, le don que Dieu leur fait ! Une responsabilité aussi, la responsabilité que Dieu leur confie.
D’ailleurs, l’histoire des origines de Jésus, à travers les soubresauts chaotiques de son arbre généalogique, nous fait bien découvrir que Dieu ne se laisse pas décourager par le péché ou la faiblesse humaine. On trouve en effet de tout dans cette généalogie du Messie : un couple habité par la foi, Abraham et Sara ; mais aussi un roi homicide et adultère, David ; une prostitué pleine de courage et d’audace, Rahab ou encore une migrante étrangère au peuple d’Israël, Ruth.
Visiblement, Dieu n’a pas la préoccupation de la pureté ethnique ni l’obsession d’histoire familiales sans accros pour conduire à bien son dessein de salut et de bénédiction pour toute l’humanité. Bien au contraire, il se mouille dans le réel d’histoires familiales faites de beauté et de tragédies, comme pour nous signifier qu’il ne craint pas notre humanité avec sa part d’ombre, mais que c’est elle, cette humanité blessée qu’il vient sauver, relever, pardonner, révéler à sa véritable vocation ! Voila qui peut nous consoler et nous garder dans l’espérance quand nous-mêmes souffrons d’histoires familiales douloureuses ! C’est ce monde là que Dieu aime et qu’il vient visiter. Et il le fait, comme toujours par des moyens faibles, par la force faible et invincible de l’amour, en prenant le risque de la confiance placée en des être pétris d’humilité, Marie et Joseph.
A l’heure où notre Eglise doit combattre la tentation du cléricalisme, à l’heure où de nombreux pays sont confrontés à la tentation d’un nationalisme étroit et à l’heure où notre monde doit entendre ensemble « le crie de la terre et le cri des pauvres » pour reprendre l’expression du Pape François dans Laudato Si’, la pédagogie de Dieu qui en passe par des moyens faibles pour faire advenir son royaume peut nous indiquer la voie à suivre : ce n’est qu’en s’ouvrant à l’amour, au partage, à la fraternité que l’on se libère de la tentation de la violence et de la domination dont le ressort principal est la peur. Chacun de nous peut devenir agent de paix, de réconciliation et d’amour dans l’humble quotidien de sa vie comme Marie à Nazareth et ce n’est que cette démultiplication de la fraternité qui peut transformer le monde et l’humaniser. Nous prenons aussi collectivement de plus en plus conscience que ce n’est que par la démultiplication de nos gestes respectueux de la création et par la conversion de nos mode de vie quotidienne que tous ensemble nous pourrons protéger l’environnement, ce jardin de la création que Dieu nous a confié pour que nous y vivions en paix sous son regard.
Puissions-nous, en cette rentrée déjà bien commencée, nous laisser touchés par la confiance que le Seigneur place en nous pour qu’ensemble nous anticipions la venue du royaume dans l’humble quotidien de nos vies.
Frère Jean-Michel, abbé
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